Des chercheurs australiens sur les maladies infectieuses ont soulevé des questions au sujet d’une étude publiée dans le Lancet qui a incité l’Organisation mondiale de la santé à interrompre les essais mondiaux de l’hydroxychloroquine dans le traitement de la covid-19.
En Australie, le ministère de la Santé avait stocké des millions de doses du médicament au cas où les essais cliniques l’auraient trouvé utile. L’étude, dirigée par la Brigham and Women’s Hospital Center for Advanced Heart Disease de Boston, avait examiné des patients dans des hôpitaux du monde entier, y compris en Australie. Les quatre chercheurs de Brigham avaient selon leur étude eu accès aux données de cinq hôpitaux enregistrant 600 patients australiens atteints de covid-19, dont 73 décès au 21 avril dans le pays.
Mais les données de l’Université Johns Hopkins montrent que seulement 67 décès dus au covid-19 avaient été enregistrés en Australie au 21 avril. Ce nombre n’est passé à 73 que le 23 avril. Mais les données sur lesquelles s’appuient les chercheurs pour tirer leurs conclusions dans le Lancet ne sont pas facilement disponibles dans les bases de données des cliniques australiennes, ce qui amène beaucoup à se demander d’où elles proviennent. Le département fédéral de la santé australien a confirmé au Guardian Australia que les données collectées sur les notifications de covid-19 dans le système national de surveillance des maladies à déclaration obligatoire, n’étaient pas la source des données utilisées par les chercheurs de Lancet.
Guardian Australia a également contacté les services de santé des deux États australiens les plus peuplés, la Nouvelle-Galles du Sud et Victoria, qui ont eu de loin le plus grand nombre d’infections du covid-19. En effet, parmi les décès australiens signalés à la date du 21 avril, 14 se sont produits à Victoria et 26 en Nouvelle-Galles du Sud. L’État de Victoria a confirmé que les résultats de l’étude concernant les données australiennes ne concordaient pas avec ses données, y compris les admissions à l’hôpital et les décès.
Le ministère de la Santé de la Nouvelle-Galles du Sud a également confirmé qu’il n’avait pas fourni aux chercheurs les données de ses bases de données. Interrogé, Lancet a indiqué au Guardian Australia: « Nous avons demandé des éclaircissements aux auteurs, nous savons qu’ils enquêtent de toute urgence et nous attendons leur réponse. » L’auteur principal de l’étude, Dr Mandeep Mehra, a déclaré qu’il avait contacté Surgisphere, la société qui a fourni les données, pour expliquer ces divergences dans «la plus grande urgence».
Surgisphere est une société privée d’analyse de données de soins de santé et de formation médicale. Dans un communiqué, le fondateur de Surgisphere, le Dr Sapan Desai, également auteur du journal Lancet, a déclaré qu’un hôpital d’Asie avait été accidentellement inclus dans les données australiennes.
« Nous avons examiné notre base de données Surgisphere et découvert qu’un nouvel hôpital a rejoint le registre le 1er avril et s’est auto-désigné comme appartenant au continent sous-continent australien », a déclaré le porte-parole de Surgisphere. «En examinant les données de chacun des hôpitaux du registre, nous avons noté que cet hôpital avait une composition de près de 100% de race asiatique et une utilisation relativement élevée de chloroquine par rapport à la non-utilisation en Australie. Cet hôpital aurait dû être classé dans la partie continentale asiatique. » Selon lui, l’erreur n’a pas changé les résultats globaux de l’étude. Ce qui signifiait que les données australiennes dans le document seraient révisées à quatre hôpitaux et 63 décès.
Besoin de transparence
Le Dr Allen Cheng, épidémiologiste et médecin spécialiste des maladies infectieuses à Alfred Health à Melbourne, interrogé a indiqué que les hôpitaux australiens impliqués dans l’étude devraient être nommés. Il a dit qu’il n’avait jamais entendu parler de Surgisphere, et personne dans son hôpital, The Alfred, n’avait fourni de données à Surgisphere. «Habituellement, pour ce type de données en possession de Surgisphere , vous avez besoin d’une approbation éthique. Une personne désignée par l’hôpital devant être impliquée dans le processus de collectes depuis notre base de données. L’ensemble de données devrait être rendu public, ou du moins ouverte à un réviseur statistique indépendant. S’ils se sont trompés sur le cas australien, que pourrait-il y avoir d’autre ? » se demande Cheng.
Drapeau rouge
C’est aussi un autre «drapeau rouge» que le document ne mentionne que quatre auteurs. « Habituellement, avec des études qui portent sur les données de milliers de patients, vous voyez une grande liste d’auteurs sur le papier », affirme Dr Cheng. « Plusieurs sources sont nécessaires pour collecter et analyser les données pour les grandes études et vous voyez généralement cela apparaître dans la liste des auteurs. »
Cheng a souligné que même si le document s’avérait problématique, cela ne signifiait pas que l’hydroxychloroquine était sûre ou efficace dans le traitement du covid-19. Aucune étude solide à ce jour n’a montré que le médicament est efficace. L’hydroxychloroquine et la chloroquine ont des effets secondaires potentiellement graves et même mortels s’ils sont utilisés de manière inappropriée, y compris l’insuffisance cardiaque et la toxicité. D’autres études ont montré que le médicament est associé à une mortalité plus élevée lorsqu’il est administré à des patients gravement atteints du covid-19.
Des questions sur la modélisation statistique du document sont également venues d’autres universités, dont la Columbia University aux États-Unis. Ce qui a incité Surgisphere à faire une déclaration publique. (…). Le mois dernier, le scientifique en chef de l’Australie, le Dr Alan Finkel, a exhorté le public à se méfier des résultats et des interprétations des études en cours pour trouver des remèdes et des traitements contre le covid-19.
The Guardian