Voilà qui je suis ». Il est jugé à Paris dans une retentissante affaire de corruption internationale sur fond de dopage russe, mais à 87 ans, l’ancien patron de l’athlétisme mondial, le Sénégalais Lamine Diack, se montre surtout volubile pour que l’on retienne un bilan flatteur: celui d’avoir « universalisé » son sport.

Au second jour de son procès, il ne s’est exprimé qu’une demi-heure en toute fin d’après-midi, sans aborder encore le fond de l’affaire. Mais Lamine Diack, vêtu d’un élégant boubou blanc qui tranchait avec les costumes cravates de ses co-prévenus, a tout de suite réveillé l’assistance, après une journée entière consacrée à l’interrogatoire, parfois technique et aride, de son ancien conseiller juridique Habib Cissé.

D’un débit rapide, pas toujours intelligible, le natif de Dakar a d’abord raconté comment le sport l’avait tiré vers le haut, lui l’adolescent « rachitique » raillé par l’un de ses frères, convaincu qu’il n’y arriverait jamais.

– décousu –
Lamine Diack a été un sportif de haut niveau, sauteur en longueur sous le maillot de l’équipe de France — à l’époque le Sénégal n’était pas encore indépendant — puis joueur de football, avant d’entrer dans les cénacles des fédérations. Il ne s’arrête quasiment pas de parler, quand la présidente de la 32e chambre correctionnelle du tribunal, Rose-Marie Hunault, l’interrompt: « On est en quelle année, là? ». « Juillet 1976 », répond-il.

Maire de Dakar (1978-79), parlementaire, il finira par devenir en 1999 le premier président non-européen de la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF), succédant à l’Italien Primo Nebiolo.

« Mon rôle à moi c’était d’universaliser l’athlétisme (…) voila qui je suis! », ajoute-t-il, au bout d’un récit parfois décousu.

Mais ce n’est pas sur son bilan que doit être jugé Lamine Diack, durant ce procès prévu jusqu’au 18 juin. L’ancien président de l’IAAF, dont l’interrogatoire sur les faits devrait démarrer jeudi, risque jusqu’à dix ans de prison pour corruption active et passive, blanchiment et abus de confiance, pour avoir notamment permis de retarder des procédures disciplinaires contre des athlètes russes soupçonnés de dopage sanguin à partir de la fin 2011.

– « protection totale » –
Durant l’enquête, lui-même a reconnu que les sanctions avaient été échelonnées pour ne pas plomber l’image de la Russie avant les Mondiaux-2013 de Moscou, alors que l’IAAF négociait le renouvellement de contrats de sponsoring avec la banque d’Etat VTB et la chaîne RTR.

Une version confirmée lundi par l’ancien M. Antidopage de l’IAAF, Gabriel Dollé, jugé pour corruption passive, pour qui il fallait éviter « un scandale ».

Alors qu’il avait été décoré au Kremlin fin 2011, Lamine Diack a aussi reconnu durant l’enquête qu’il avait obtenu des fonds russes, 1,5 million de dollars, pour faire campagne à la présidentielle du Sénégal en 2012 contre le sortant Abdoulaye Wade, finalement battu par Macky Sall. En faisant le récit de sa vie, il est rapidement revenu sur son inimitié vis-à-vis de Wade, l’accusant de vouloir brader un stade à Dakar pour que des investisseurs chinois en fassent « des tours ».

Mais les faits vont au-delà d’un simple deal sur fond de sponsors et de campagnes politiques.

Les juges d’instruction ont aussi renvoyé certains des six prévenus, dont Lamine Diack, pour le racket d’athlètes russes, obligés de payer plusieurs centaines de milliers d’euros à des maîtres chanteurs pour pouvoir bénéficier d’une « protection totale » vis-à-vis de l’antidopage. Mercredi, le tribunal a notamment interrogé l’ancien conseiller de Lamine Diack, Habib Cissé, sur une note retrouvée à son domicile qui détaille des sommes par athlète.

Parmi les acteurs clé de l’affaire figure l’un des fils de Lamine Diack, Papa Massata, l’ancien conseiller marketing de l’IAAF. Ce dernier, visé par un mandat d’arrêt international, est resté à Dakar et doit être jugé en son absence, comme deux Russes, l’ancien entraîneur national des courses de fond Alexeï Melnikov, et l’ancien président de la fédération russe d’athlétisme, Valentin Balakhnitchev.

Avec AFP

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