2 AVRIL 2021. Monsieur le Président,
Messieurs les Ministres,
Chers Collègues,
La Commission des Lois, de la Décentralisation, du Travail et des Droits humains s’est réunie, le mercredi 31 mars 2021, sous la présidence de Madame Dieh Mandiaye BA, Présidente de ladite Commission, à l’effet d’examiner le projet de loi n°05/2021 portant report des élections territoriales et prorogation du mandat des conseillers départementaux et municipaux.
Le Gouvernement était représenté par Monsieur Antoine Félix Abdoulaye DIOME, Ministre de l’Intérieur, entouré de ses principaux collaborateurs.
Ouvrant la séance, Madame la Présidente a, d’abord, au nom de la Commission, souhaité la bienvenue à Monsieur le Ministre et à ses collaborateurs.
Il lui a ensuite renouvelé ses félicitations, avant de lui donner la parole pour la présentation de l’exposé des motifs justifiant le projet de loi soumis à l’examen de vos Commissaires.
A l’entame de son propos, Monsieur le Ministre a adressé ses sincères salutations à Madame la Présidente et à tous les membres de la Commission. Il s’est ensuite réjoui de se retrouver devant les Représentants du Peuple pour aborder les politiques publiques du Gouvernement.
Relativement à l’exposé des motifs, Monsieur le Ministre a indiqué que la loi n°2019-16 du 29 novembre 2019 avait décidé du report des élections départementales et municipales, pour leur tenue au plus tard le 28 mars 2021 laissant le soin à la commission politique du dialogue national de proposer une date qui sera fixée par décret.
En effet, Monsieur le Ministre fera noter que la crise sanitaire qui est survenue a occasionné une suspension de plus de six (06) mois des travaux de cette commission. Cette suspension a retardé les discussions sur l’Audit et l’évaluation du fichier électoral considérés comme préalables à la tenue de toue élection.
Monsieur le Ministre a également annoncé qu’à la reprise des concertations attendues, les modalités d’exécution de ces deux opérations ont pu faire l’objet de consensus. C’est ainsi que l’Audit a démarré le 1er avril 2021 tandis que l’évaluation, en préparation, démarrera au début du mois d’avril, a-t-il fait savoir.
Toutefois, Monsieur le Ministre précisera que les conclusions attendues et qui toucheront les règles d’organisation de ces élections, seront connues après le 28 mars 2021. Cette date étant dépassée sans qu’aucune autre n’ait été proposée, le report à nouveau de ces élections s’impose, informera-t-il.
Monsieur le Ministre a clos sa présentation de l’exposé des motifs en indiquant que le présent projet de loi a pour objet de fixer la tenue de ces élections au plus tard le 27 février 2022, tout en laissant à la commission politique la proposition, par consensus, d’une date précise ; à défaut le Gouvernement soumettra une date.
Il a soutenu que ce projet a aussi pour objet de proroger le mandat des conseillers municipaux et départementaux jusqu’à l’installation des nouveaux conseils issus de ces scrutins.
Prenant la parole à la suite de Monsieur le Ministre, vos Commissaires lui ont adressé leurs chaleureuses félicitations et encouragements.
Ils ont, par ailleurs, eu une pensée pieuse pour les disparus enregistrés à l’occasion des récentes manifestations qui ont eu lieu dans notre pays, tout en souhaitant une excellente semaine sainte à toute la communauté catholique. Ils ont ensuite fait part de leurs préoccupations et suggestions qui, pour l’essentiel, se résument aux points ci-après :
Monsieur le Ministre a été interpellé sur l’invocation de la survenance de la pandémie de la COVID-19 comme étant le motif ayant entrainé à nouveau le report des élections territoriales. A cet égard, il a été demandé, au cas où cette maladie persisterait jusqu’au mois de février 2022, si les élections territoriales ne feraient pas l’objet d’un nouveau report.
Certains Commissaires ont considéré que ledit report permet juste au Gouvernement d’avoir l’occasion de coupler les élections législatives avec l’élection présidentielle en 2024.
Monsieur le Ministre a été ainsi invité à fournir des éclairages sur les crédits alloués à l’organisation des élections territoriales initialement prévues le 1er décembre 2019 et le 28 mars 2021. Aussi, a-t-il été recommandé à
Monsieur le Ministre d’œuvrer davantage à promouvoir le dialogue pour trouver un consensus fort sur l’ensemble des règles d’organisation des élections.
D’autres Commissaires se sont réjouis de la proposition de report de ces élections jusqu’au mois de février 2022, compte tenu de l’impératif consistant à matérialiser les accords consensuels issus des travaux de la commission politique du dialogue national et la nécessité de mettre en œuvre le processus technique qui précède l’organisation desdites élections.
Selon eux, le déroulement de ces actions préalables se présente comme suit :
• audit du fichier et évaluation du processus électoral pour un délai de 120 jours, conformément à l’accord des acteurs de la commission politique du dialogue national ;
• révision exceptionnelle des listes électorales à partir du 1er février jusqu’au 10 juillet de chaque année, soit un délai de six (06) mois, en application de l’article L 32 du Code électoral. A cela s’ajoute, le délai réservé à la phase contentieuse, après la publication des listes électorales pour corriger les erreurs constatées ;
• dépôt des candidatures pour les élections départementales dont le délai fixé varie au moins entre 80 et 85 jours, selon l’article 207 du Code électoral ;
• dépôt des candidatures pour les élections communales avec un délai qui varie entre 80 et 85 jours, conformément à l’article 218 du Code électoral.
A la lumière des considérations qui précèdent, vos Commissaires ont indiqué que le report proposé repose sur des arguments techniques valables.
Par conséquent, le Gouvernement est, tout à fait, fondé à prévoir une période allant jusqu’au mois de février 2022 durant laquelle les élections pourront se tenir.
Ainsi, il a été rappelé que l’audit du fichier électoral et l’évaluation du processus électoral étaient des requêtes de l’opposition. Pour l’audit du fichier, l’opposition avait demandé qu’il soit effectué par des experts internationaux et financé par les partenaires étrangers.
S’agissant de l’évaluation du processus électoral, il a été indiqué que si l’Etat du Sénégal n’avait pas décidé de préfinancer sur fonds propre les opérations, le démarrage ne pourrait pas être envisagé pour le mois d’avril 2021.
En effet, avec l’Union Européenne (UE), qui est un des partenaires financiers principal, il fallait encore attendre à cause des procédures de décaissement.
Par ailleurs, il a été précisé que le Gouvernement n’a jamais invoqué la COVID-19 pour reporter de nouveau les élections territoriales.
Le deuxième paragraphe de l’exposé des motifs indique que la crise sanitaire qui est survenue a occasionné une suspension de plus de six (06) mois des travaux de la commission politique du dialogue national.
Sur ce, cette suspension a fait qu’une date n’a
pas pu être proposée de manière consensuelle, pour la tenue des élections au plus tard le 28 mars 2021. Ainsi, le Gouvernement était donc obligé de revenir à l’Assemblée nationale pour demander un nouveau report en prévoyant une séquence temporelle qui ne saurait dépasser le 27 février 2022 ; ce qui permettra aux acteurs concernés de déterminer une date de manière consensuelle.
Parallèlement, des Commissaires ont estimé que la date butoir du 27 février 2022 n’est pas très éloignée pour tenir les prochaines élections territoriales, tout en indiquant que l’installation des délégations spéciales proposée ne fait que retarder le processus de la décentralisation enclenché par le Sénégal.
Il a également été indiqué, à titre comparatif, que l’exposé des motifs du présent texte et celui de la loi de 2019 s’inscrivent dans une logique de continuité et du même esprit qui a présidé à cette proposition de report.
En outre, il a été suggéré à Monsieur le Ministre de réfléchir sur des solutions pérennes pour éviter la revue technique du Code électoral, à l’issue de chaque élection. De même, il a été invité à fournir des éclairages sur l’option du Gouvernement visant à prolonger le mandat des conseillers municipaux et départementaux, en lieu et place de l’installation des délégations spéciales.
Sur un autre registre, des Commissaires ont déploré le saccage de certains centres d’état civil, lors des récents événements intervenus
dans notre pays.
Pour eux, cet état de fait peut constituer un argument pour le report des élections, afin de permettre aux citoyens concernés de disposer de leur acte de naissance, en vue de se procurer de leur carte nationale d’identité.
A ce propos, il a été préconisé, au regard du nombre important des jeunes qui n’ont pas encore de carte nationale d’identité, d’envisager la possibilité pour tous les citoyens ayant l’âge de voter d’être automatiquement enrôlés sur les listes électorales, à l’instar des pays développés.
Ainsi, l’attention de Monsieur le Ministre a été attirée sur les difficultés auxquelles sont confrontés certains citoyens pour obtenir leur carte nationale d’identité. En effet, compte de leur patronyme, en partage avec d’autres pays de la sous-région, il leur est systématiquement demandé de fournir des certificats de nationalité, alors qu’ils sont nés et ont grandi au Sénégal.
Par ailleurs, il a été aussi suggéré à ce que la commission du dialogue national en charge des questions de la décentralisation puisse s’accorder sur des recommandations consensuelles fortes, permettant de résoudre les problèmes liés à la viabilité des collectivités territoriales.
Reprenant la parole pour faire suite aux interpellations de vos Commissaires, Monsieur le Ministre les a d’abord vivement remerciés pour la grande expertise dont ils ont fait montre dans le cadre l’examen du présent projet de loi.
Il a également apprécié la clarté avec laquelle des précisions ont été fournies par vos Commissaires.
Monsieur le Ministre a, par ailleurs, souhaité une excellente semaine sainte et une bonne fête de Pâques pour toute la communauté catholique, avant d’apporter les éléments de réponse ci-après.
Monsieur le Ministre a, d’emblée, tenu à préciser que le Gouvernement a beaucoup fait pour lutter contre la pandémie de la COVID-19 dont les premiers résultats positifs sont, aujourd’hui, visibles. Selon lui, le Sénégal fait partie des pays qui ont pu se procurer des vaccins, grâce à la volonté affirmée du Président de la République Monsieur Macky SALL, et a démarré sa campagne de vaccination avec un bilan d’étape jugé satisfaisant.
Monsieur le Ministre a, dans ce cadre, indiqué que la COVID-19 n’a pas été invoquée pour justifier la demande de report des prochaines élections territoriales. En effet, il a été précisé au niveau de l’exposé des motifs, notamment dans le deuxième paragraphe, qu’une suspension des travaux de la commission politique du dialogue national de plus de six (06) mois a été observée. Cette suspension a retardé les discussions sur l’Audit et sur l’évaluation, considérés comme préalables à toute élection.
Monsieur le Ministre a, à cet égard, rappelé que lorsque la COVID-19 est apparue, de manière brutale, dans notre pays, l’Administration et même des institutions, comme l’Assemblée nationale, avaient pris des mesures pour revoir leur mode de fonctionnement.
C’est dans ce sens qu’il faut comprendre la suspension des travaux de cette commission politique. Mais aujourd’hui, nonobstant la présence de la COVID-19, la commission a repris ses travaux et des solutions ont pu être proposées, a-t-il indiqué.
A ce propos, Monsieur le Ministre dira que, dans le souci de préserver le principe du consensus, qui a toujours prévalu au sein de cette commission politique du dialogue national, il est souhaitable que les acteurs concernés puissent poursuivre leurs discussions, afin de s’accorder sur une date qui sera soumise au Chef de l’Etat.
Monsieur le Ministre s’est également réjoui des précisions apportées, surtout le rappel fort à propos de ce qui a été fait dans le cadre de la commission politique du dialogue national. Selon lui, demander le report des élections, sans pour autant rappeler ce qui se fait au niveau de cette commission politique, peut poser certainement des problèmes de compréhension.
En réalité, précisera-t-il, ce sont les travaux qui se déroulent au niveau de ladite commission qui ont servi de base à l’action du Gouvernement pour solliciter ce report.
Par ailleurs, il a salué l’analyse comparative qui a été faite entre les exposés des motifs du présent texte et ceux du précédent pour mettre en relief la continuité logique et le même esprit qui ont présidé à leur proposition.
Relativement aux questions ayant trait aux différentes étapes du processus technique d’organisation des élections, Monsieur le Ministre fera noter que, dans l’exposé des motifs de la loi qui avait précédemment reporté les élections territoriales et prorogeant en même temps le mandat des conseillers municipaux et départementaux, il avait été posé comme préalable l’audit du fichier électoral et l’évaluation du processus électoral.
Toutefois, au-delà de ces deux préalables qui sont plus liés à une volonté d’aboutir à un consensus, il y a un processus technique qui repose sur des dispositions sans équivoque prévues par le Code électoral. Il s’agit, entre autres, de procéder à une revue ordinaire des listes électorales.
Cette révision comporte deux phases : une pour recueillir les données, c’est-à-dire les inscriptions et les modifications, et une autre pour l’exploitation de ces données et le traitement des recours. Ensuite suit le dépôt des candidatures environ trois (03) mois avant les élections.
Monsieur le Ministre dira aussi que les élections territoriales, par expérience, sont d’une grande complexité. C’est pourquoi, il importe de s’employer à les préparer minutieusement, afin d’arriver à des résultats satisfaisants pour toutes les parties prenantes. Monsieur le
Ministre a rappelé que l’un des objectifs, dans le cadre du dialogue national, est de relever le défi de l’organisation d’élections libres, transparentes et acceptées par tous, conformément aux textes en vigueur.
S’agissant du consensus, Monsieur le Ministre a précisé que le Gouvernement a toujours privilégié ce principe dans sa démarche. Selon lui, lorsque l’on parcourt en filigrane l’exposé des motifs du présent texte, l’on se rend compte que c’est le principe du consensus qui continue de prévaloir.
Monsieur le Ministre dira, en outre, que tous les acteurs concernés sont d’accord sur le principe du report. La seule divergence qui est notée porte sur la date de la tenue des élections. C’est pourquoi, le projet de loi a prévu une période durant laquelle celles-ci pourront se tenir pour préserver l’esprit du consensus.
Réagissant sur la proposition de repousser la date butoir de l’organisation des élections, prévue par le présent texte, Monsieur le Ministre précisera que cette date a été retenue sur la base des recommandations formulées par des experts électoraux de l’administration sénégalaise qui ont fait des projections, afin de déterminer le temps nécessaire pour la tenue de ces élections. Monsieur le Ministre n’a pas manqué de rappeler que ces experts bénéficient d’une solide expérience et d’une expertise avérée en matière d’organisation d’élections comme en attestent les multiples sollicitations des pays de la sous-région pour s’attacher leurs services.
En ce qui concerne la destruction de certains centres d’état civil, Monsieur le Ministre a tenu à rassurer que la réhabilitation desdits centres ne fait pas obstacle au travail destiné à remplir les conditions prévues par la loi pour organiser les prochaines élections. Ces différentes activités, a-t-il indiqué, pourront se faire en parallèle et de manière coordonnée en rapport avec son collègue chargé du secteur des Collectivités territoriales.
Répondant à la question liée aux difficultés d’obtention de carte nationale d’identité pour certains citoyens, Monsieur le Ministre informera que la question de la nationalité est réglée par l’article 29 du Code de la Famille qui dispose : « L’état des personnes n’est établi et ne peut être prouvé que par les actes de l’état civil. »
En réalité, ce n’est pas la carte nationale d’identité qui prouve la nationalité, mais par les actes d’état civil, a-t-il fait savoir.
Il renseignera, en outre, que l’article 1er du Code de la nationalité dispose : « Est sénégalais tout individu né au Sénégal d’un ascendant au premier degré et qui y est lui-même né ».
Ainsi, Monsieur le Ministre dira que les personnes portant des noms de famille en partage avec les pays de la sous-région, peuvent avoir la perception de ressentir de la discrimination, lorsqu’elles sont contraintes à fournir des pièces supplémentaires pour obtenir une carte nationale d’identité.
Il a annoncé que ses services vont continuer à travailler dans ce cadre et, s’il est nécessaire, de tenir une séance de travail avec le ou les Honorables Députés qui le souhaitent pour mieux aborder cette question.
Satisfaits des réponses apportées par Monsieur le Ministre, vos Commissaires ont adopté, à la majorité, le projet de loi n°05/2021 portant report des élections territoriales et prorogation du mandat des conseillers départementaux et municipaux. Ils vous demandent d’en faire autant, s’il ne soulève, de votre part, aucune objection majeure.
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