e président algérien Abdelmadjid Tebboune s’est engagé à faire libérer prochainement deux des principales figures du mouvement (« Hirak ») de contestation, Karim Tabbou et Samir Benlarbi, a annoncé mardi Sofiane Djilali, chef d’un parti d’opposition, qui a intercédé en leur faveur auprès du chef de l’Etat.
« Le président Tebboune m’a assuré qu’il userait de ses prérogatives constitutionnelles pour que Karim Tabbou et Samir Benlarbi retrouvent leur liberté », a déclaré M. Djilali, reçu à sa demande le 27 mai par le chef d’Etat.
« C’est un engagement solennel de sa part », a ajouté le président du parti Jil Jadid, soulignant que M. Tebboune avait précisé qu’il « n’interférait pas directement en ce qui touche la Justice. »
MM. Tabbou et Benlarbi « ont suffisamment payé. C’est très bien qu’ils retrouvent leur liberté et leur foyer », a ajouté M. Djilali.
Karim Tabbou, qui fête ses 47 ans ce mardi, est un des visages familiers, sinon le plus connu, du « Hirak », le mouvement antirégime qui a ébranlé le pouvoir algérien pendant plus d’un an jusqu’à sa suspension à la mi-mars en raison de la pandémie de Covid-19.
Samir Benlarbi, 45 ans, une personnalité médiatique, est lui aussi un opposant de longue date au régime.
– Précédent juridique –
Il reste néanmoins des obstacles, notamment juridiques, à la libération des deux hommes, détenus à la prison de Kolea, près d’Alger. Ils pourraient ainsi ne pas être éligibles à une faveur présidentielle.
Dans le droit algérien, le chef de l’Etat possède le droit de grâce, qui ne concerne que les détenus définitivement condamnés.
Or les avocats de Karim Tabbou –qui purge une peine d’un an de prison ferme pour « atteinte à l’intégrité du territoire national »– ont introduit un pourvoi en cassation, suspensif.
Et Samir Benlarbi, en détention préventive depuis le 7 mars, n’a pas encore été jugé.
En ce qui concerne le premier, « la solution juridique consiste à introduire une demande de libération provisoire auprès de la chambre de la Cour de cassation et le juge peut décider de libérer Karim Tabbou », a expliqué à l’AFP un de ses avocats, Me Mustapha Bouchachi.
Quant à M. Benlarbi, le juge d’instruction peut décider de le remettre en liberté dès ce soir, a précisé Me Bouchachi.
« Même si constitutionnellement, le président ne peut libérer un détenu qui n’a pas été jugé définitivement, il y a eu un précédent », rappelle pour sa part l’ancien magistrat Boualem Boudina.
« Après les émeutes d’octobre 1988 (contre le FLN, parti unique alors au pouvoir, NDLR), des centaines de détenus ont été libérés par le président de l’époque. Leurs dossiers ont été renvoyés sine die. J’étais magistrat à l’époque. Alors oui, il (M. Tebboune) peut les libérer », explique à l’AFP Me Boudina.
Dans un communiqué, Jil Jadid –un petit parti ayant milité contre les candidatures d’Abdelaziz Bouteflika à un mandat présidentiel en 2014 et 2019–, a salué l’intention du président Tebboune, élu en décembre, « de favoriser l’apaisement et le dialogue national. »
Selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), une association de soutien, une soixantaine de personnes sont actuellement détenues pour des faits liés au « Hirak ».
Plusieurs ONG algériennes et internationales exigent la libération « immédiate et sans condition », ainsi que celle « de tous les prisonniers et prisonnières d’opinion incarcérés » en Algérie.
Le « Hirak » réclame un changement du « système » en place depuis l’indépendance du pays en 1962. En vain jusqu’à présent, même s’il a obtenu en avril 2019 le départ du président Abdelaziz Bouteflika après 20 ans de règne.