Le Burundi a célébré vendredi dans le recueillement les obsèques nationales de l’ancien président Pierre Nkurunziza, décédé subitement le 8 juin, officiellement d’un arrêt cardiaque.
Un hommage national a été rendu à l’ex-chef de l’État, mort à l’âge de 55 ans après 15 années au pouvoir, dans le stade Ingoma de Gitega.
Recouvert du drapeau national, le cercueil de M. Nkurunziza, était transporté sur une jeep précédée d’une fanfare et accompagnée par un détachement de généraux marchant au pas.
Les invités, répartis sur tout le pourtour du stade en fonction de leur province d’origine, étaient habillés en blanc, avec pour les hommes une photo de M. Nkurunziza imprimée sur les chemises et les tee-shirts, comme l’avaient demandé les autorités.
Dans la tribune d’honneur, l’ancienne première dame, Denise Bucumi, était entourée du nouveau chef de l’État burundais, Évariste Ndayishimiye, et de l’ancien président tanzanien Jakaya Kikwete.
Au passage du cercueil devant eux, les spectateurs étaient invités à se lever, sans applaudir, et à s’incliner. A son arrivée dans le stade, des cris, pleurs et gémissements avaient été entendus. Plusieurs personnes se sont ensuite évanouies, sous le coup de l’émotion ou de la forte chaleur.
« Il n’est pas facile de trouver les mots justes dans une situation comme celle-ci, où la famille de feu son Excellence Pierre Nkurunziza, ses amis et tout le pays ont perdu un père, un ami, un sauveur et un chef de l’État sans avoir eu le temps de l’accompagner », a déclaré M. Ndayishimiye, au bord des sanglots.
– Convoi sous forte protection –
« Dans la Bible, il est écrit qu’il faut remercier Dieu en toutes choses », a observé Mme Bucumi, au contraire imperturbable. « Dieu m’a donné la force d’accepter le décès de Nkurunziza et de le remercier. »
L’ancien président, comme son épouse, une pasteur évangéliste, était un chrétien très croyant, qui considérait bénéficier de l’onction divine.
Les mesures de distanciation sociale pour lutter contre le Covid-19 n’étaient pas respectées et, à l’exception de quelques officiels, personne ne portait de masque dans le stade.
La journée, déclaré fériée, avait débuté à l’hôpital du Cinquantenaire de Karusi (centre), où M. Nkurunziza est décédé, par « un hommage rendu au défunt dans la plus stricte intimité familiale par son épouse (…), ses enfants et des proches », a expliqué à l’AFP un cadre de la présidence, sous couvert d’anonymat.
Puis le convoi funéraire, sous forte protection policière, a quitté l’hôpital pour se diriger vers Gitega, la capitale administrative du pays, 60 km au sud-ouest, des milliers de personnes se massant au bord de la route pour rendre hommage à l’ex-président.
Il devait ensuite être enterré dans un monument récemment construit à Gitega, sur le site d’un autre édifice censé être dédié aux victimes des différentes crises que le pays a traversées mais qui n’avait pas fait l’unanimité et n’avait jamais été inauguré.
Le décès inattendu de M. Nkurunziza a choqué le pays. S’il est mort officiellement d’un arrêt cardiaque, les Burundais se demandent aujourd’hui si l’ex-président, qui selon une source médicale contactée par l’AFP était en « détresse respiratoire » au moment de sa mort, n’a pas succombé au nouveau coronavirus.
– Des signes de continuité –
L’ancien chef de l’État laisse derrière lui un pays divisé, isolé et appauvri. Sa candidature très controversée à un troisième mandat en avril 2015 avait débouché sur une crise politique qui a fait plus de 1.200 morts et conduit 400.000 Burundais à l’exil.
Ces cinq dernières années ont été caractérisées par des exactions à l’encontre des opposants, militants des droits de l’Homme et journalistes indépendants, commises notamment par les Imbonerakure, la ligue de jeunesse du parti au pouvoir, le CNDD-FDD.
Elu en mai et investi deux mois plus tôt que prévu après le décès de son mentor, le nouveau président, Évariste Ndayishimiye, s’est immédiatement placé dans ses pas lors de son premier discours public.
Lors de son investiture le 18 juin dans le même stade Ingoma, M. Ndayishimiye, 52 ans, a rendu un hommage appuyé à son prédécesseur et promis de « continuer sur la voie » qu’il a tracée.
Les principaux bailleurs de fonds du Burundi (UE, Belgique, Allemagne…), qui depuis 2015 lui imposent des sanctions, espéraient une inflexion avec le nouveau président, réputé plus ouvert que M. Nkurunziza.
Mais son premier discours, puis la nomination comme Premier ministre d’Alain-Guillaume Bunyoni, l’un des durs du régime, sous le coup de sanctions des États-Unis depuis 2015 pour son rôle dans la répression, sont des signes forts que la continuité paraît plutôt à l’ordre du jour.