15 JUILLET 2020. Depuis quelques jours, le litige foncier opposant l’homme d’affaires Babacar NGOM PDG du Groupe SEDIMA et les populations de Ndingler dans la commune de Ndiaganiao défraie la chronique au Sénégal. Cette affaire ne concerne pas seulement les principaux protagonistes mais elle concerne
tout le peuple Sénégalais. C’est la raison pour laquelle, je me suis arrogé le droit d’intervenir dans le débat et d’y apporter ma modeste contribution en toute impartialité.
D’emblée, je voudrais féliciter Monsieur Babacar NGOM pour son courage, son abnégation et ses aptitudes entrepreneuriales particulières qui lui ont permis de mettre sur pieds cette grande structure industrielle et commerciale qui a valu tant de succès à notre pays. Pour qui connait les multiples risques et contraintes majeures auxquels il faut impérativement faire face quand on
Investit au Sénégal, tout le peuple sénégalais doit l’aduler et le célébrer comme du reste tous ses pairs investisseurs.
Comme on a coutume de dire, l’Etat du Sénégal ne doit ménager aucun effort
pour accompagner le secteur privé national. Nos champions doivent être impérativement protégés car il y va de notre salut. Cependant cela ne doit pas se faire en violation des lois et règlements en vigueur dans notre pays.
J’ai suivi avec beaucoup d’attention la conférence de presse du Jeudi 9 Juillet dernier organisée par le PDG du Groupe SEDIMA. Mais d’abord, il me plait de souligner que pour un souci d’équilibre de l’information, la presse doit, suite au grand publi-reportage accordé à l’un des protagonistes du conflit, se rendre aux villages de Ndingler et de Djilakh, interroger les populations concernées par cette affaire et leur permettre de donner leur version des faits dans des proportions temporelles similaires.
En effet, lors de son grand one-man show, bâti autour d’une stratégie de victimisation minutieusement préparée, le PDG du Groupe SEDIMA a projeté plusieurs documents et fait beaucoup de révélations importantes. Tout au long de cet exercice auquel il n’est visiblement pas habitué, il a tenté de prouver qu’il n’y a eu aucune irrégularité dans la procédure d’octroi d’une
assiette foncière de 300 ha par la communauté rurale de Sindia, par le truchement d’une délibération datée du 4 Décembre 2012 avec 45 voix pour et une seule abstention.
Au vu de ses propres déclarations, cette assiette foncière amputée de 75 ha au profit des populations de Djilakh a été visiblement acquise au franc symbolique en raison de la contrepartie dérisoire de 30 millions versés à cet effet.
En outre Monsieur NGOM a reconnu en filigrane que ladite délibération empiète sur les terres du village de Ndingler situé dans la communauté rurale de Ndiaganiao. Ce qui est du coup un aveu incontestable que le conseil rural de Sindia d’alors a outrepassé ses pouvoirs.
Autrement dit, la délibération qui lui a été servie, portant en partie sur une surface inexistante, est nulle et non avenue selon la loi. Non seulement il était avisé du problème, mais le chef de village de Ndingler le lui a clairement signifié et a même refusé de prendre les 2 millions qu’il voulait lui offrir, dit-il en guise de cola. Pourtant tout ceci n’a pas empêché le PDG du Groupe SEDIMA de continuer la procédure d’immatriculation à son nom, de cette superficie déjà litigieuse. Ainsi, deux ans après, précisément en 2015, il obtint son bail et quatre ans après, en 2019, il se fait délivrer un titre foncier sur ce même terrain déjà déclassifié et versé dans le domaine privé de l’état. Comment est-ce possible que l’état du Sénégal cède de façon définitive son patrimoine à une entreprise commerciale ?
D’ailleurs, le PDG du Groupe SEDIMA a omis, involontairement peut-être, le montant versé au titre de cette transaction. Le peuple souverain et seul propriétaire légitime de ce patrimoine national a le droit d’être édifié sur les tenants et les aboutissants de cette cession, si bien sûr nous sommes toujours dans un état de droit. Et contrairement aux allégations de Monsieur NGOM, il n’a mis que six ans (2013 -2019) pour obtenir son bail et son titre foncier sur ce terrain. C’est un record!
Au Sénégal, obtenir un titre de propriété relève d’un véritable parcours du combattant et il est grand temps d’ailleurs qu’on mette fin aux chinoiseries administratives qui minent le secteur et que l’on rende les procédures plus simples et plus transparentes au grand bonheur des populations. Sa proximité avec le Président de la République a-t-elle pesé sur la balance? En tout cas, le moins que l’on puisse dire c’est qu’il n’a pas trainé les pieds. Les syndicats d’enseignants qui ont obtenu des parcelles viabilisées de l’Etat depuis 2003 et qui peinent toujours à obtenir un TF après 17 ans ne me
démentiront pas.
Le PDG a aussi affirmé qu’il a soutenu et participé activement à l’élection du
Président Macky SALL en 2012 et que sa fille a été au cœur du dispositif de campagne de ce dernier. Le fait inédit qu’il a semblé insinuer à ce niveau est qu’à l’accession de son ami à la magistrature suprême, il a exigé que sa fille retournât travailler à son entreprise.
En d’autres termes, ils n’ont pas voulu être récompensés par une quelconque nomination à un poste dans l’attelage gouvernemental.
A ce niveau, il me plait juste de rappeler que dans presque tous les pays du monde, les hommes d’affaires qui contribuent à l’élection d’un chef d’Etat sont souvent plus intéressés par des postures d’influence que par l’exercice du pouvoir. En affirmant avec insistance sa volonté de faire travailler les villageois dans la ferme qu’il veut ériger sur le site, Monsieur NGOM admet implicitement qu’il veut faire de ces derniers des ouvriers agricoles, c’est-à-dire une main d’œuvre à bon marché, malléable et corvéable, à la merci du capital.
A la place, j’aurais souhaité que le PDG du Groupe SEDIMA s’érige pour la postérité, en précurseur de ce grand bond qualitatif dans les options stratégiques où nos paysans cesseraient d’être considérés comme des Etienne Lantiers mais plutôt comme des partenaires privilégiés qui se positionnent en entrepreneurs agricoles.
L’Etat du Sénégal doit y jouer sa partition en conduisant les réformes foncières nécessaires pour sortir les populations de la pauvreté. D’ailleurs, c’est à ce niveau que le ministre de l’urbanisme est attendu au lieu de faire dans la diversion avec ces discussions sempiternelles avec les deux parties. A la vérité, c’est la cupidité de nos élus locaux et la complicité de notre administration véreuse qui sont à l’origine de ce grand désordre noté dans le secteur depuis plusieurs décennies.
Il aurait suffi tout simplement d’encadrer ces villageois, de leur octroyer des titres de propriété sur leurs terres, pour qu’ils soient financièrement aptes à être en Joint-Venture avec ces nombreuses entreprises étrangères qui pullulent dans notre pays et qui participent au vu et au su de tout le monde au bradage systématique de notre foncier. Sous ce rapport, il urge de faire toute la lumière sur le cas de cet investisseur étranger du nom de Monsieur Berthé, cité par Monsieur NGOM et attributaire d’une superficie de
5000 ha sur notre territoire national.
Lors de son grand oral, le PDG du Groupe SEDIMA a défendu mordicus qu’il se bat pour la vérité et non pour disputer 225 ha aux villageois. Dans la foulée, il lança la boutade que des amis lui ont promis 1000 ha en Casamance et 1000 ha au Walo. Pourquoi donc s’entêter à faire perdurer cette crise qui ne le grandit point. Dans son combat pour la vérité, Monsieur NGOM a certainement oublié de dire aux sénégalais que ces terres objet du litige, situées dans le Département prisé de MBOUR n’ont pas la même valeur vénale et spéculative que celles situées au Walo ou en Casamance bien que ces dernières soient plus fertiles pour quelqu’un qui veut investir dans l’agro-business. Dans sa communication, Monsieur NGOM a également évoqué une
kyrielle d’injustices faites contre lui par l’état du Sénégal. Si c’est avéré, c’est inacceptable.
Personne ne doit cautionner qu’un honnête citoyen soit injustement spolié de ses biens légalement acquis. S’il n’ya pas de délai de prescription pour les affaires énumérées, il doit ester en justice et demander réparation. Par contre, dans ce contentieux qui l’oppose aux populations de Ndingler et même de Djilakh, il convient de rappeler qu’il n’a pas pu démontrer la licité du titre acquis. Pour ce faire, nous pouvons affirmer de façon péremptoire, que cette opération est entachée d’irrégularités au regard de la loi N°64-46 du 17 Juin 1964 relative au Domaine National qui stipule à son article 13 que « l’état
ne peut requérir l’immatriculation des terres du domaine national constituant des terroirs ou affecter par Décret en vertu de l’article 11, que pour la réalisation d’opérations déclarées d’utilité publique. » En outre, selon l’article 8 de ladite loi, « Les terres de la zone des terroirs sont affectées aux membres des communautés rurales qui assurent leur mise en valeur et les exploitent sous le contrôle de l’Etat et conformément aux lois et règlements. » Qu’à cela ne tienne, son nom étant déjà inscrit en lettres d’or au tableau des grands champions de ce pays, Monsieur le PDG du Groupe SEDIMA n’a aucun intérêt à écraser ces braves paysans qui n’ont que leurs terres pour survivre dans
un contexte de pandémie où le Président de la République nous a lui-même annoncé dans sa dernière adresse à la nation que nous filons tout droit vers la récession.
Enfin, même si un TF est réputé irrévocable, la délibération du Conseil Rural de Sindia qui est à l’origine du conflit est attaquable devant les juridictions compétentes du pays et peut conduire au cas échéant à une procédure d’expropriation. Par conséquent, il me parait plus judicieux pour le Groupe SEDIMA de ne pas faire un passage en force et d’éviter de procéder à des investissements lourds et couteux sur ce champs car j’ai l’intime conviction qu’à la fin du second mandat de son ami en 2024, toutes ces entorses à la loi seront passées au crible et corrigées pour l’intérêt supérieur de la nation.
Par Dame MBODJI, Secrétaire Général National du CUSEMS Authentique.