19 JUILLET 2020. La onzième épidémie de fièvre hémorragique Ebola en République démocratique du Congo (RDC) se répand dans la province de l’Equateur (Nord-Ouest), suscitant les premiers signaux d’alarme, avec des craintes sur le montant et l’usage des fonds alloués à la lutte contre le virus.
Depuis le 1er juin, la nouvelle flambée touche la région de Mbandaka, déjà frappée en mai-juillet 2018 par la fièvre hémorragique (54 cas, 33 décès) et connectée par voie fluviale à la capitale Kinshasa, à quelque 600 km à vol d’oiseau.
« Il y a maintenant 56 cas, ce qui est très préoccupant. Ce bilan dépasse celui de la précédente épidémie dans cette région », a déclaré jeudi la directrice régionale pour l’Afrique de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), Matshidiso Moeti.
Le dernier bilan vendredi du ministère congolais de la Santé donnait 58 cas – 54 confirmés et quatre suspects -, pour 22 décès.
Comme à chaque épidémie, l’OMS, premier partenaire du ministère de la Santé, redoute le sous-financement de la « riposte », sur fond de « concurrence » avec les nombreuses autres maladies qui touche la RDC (Covid-19, rougeole, choléra…).
« Nous avons moins de deux millions de dollars en caisse », a commenté un responsable de l’OMS, Fadela Chaib, au sujet de l’actuelle épidémie d’Ebola.
Loin de rester dans les centres urbains, le virus Ebola se répand progressivement. « Il y a des contaminations dans plusieurs villages », avance un responsable coutumier, Moraliste Nembetwa, à l’AFPTV, un des premiers médias à pouvoir se rendre sur place.
Entre fleuve Congo et forêt, le terrain est difficile d’accès, en pirogue, en hélicoptère ou en 4X4, sur des ponts construits avec des rondins de bois.
Au coeur de cette zone, à l’hôpital de Bikoro, le médecin Serge Ngalebato recense « 15 cas confirmés ».
L’épidémie touche « une zone de santé fragile », énumère-t-il: « En 2018, nous avons eu l’épidémie d’Ebola. En 2020, l’épidémie de rougeole. Au moment où je vous parle, nous avons enregistré cinq cas de poliomyélite ».
Cette nouvelle épidémie a commencé 23 jours avant la fin proclamée de la 10e épidémie d’Ebola, à plus de 1.000 kilomètres à l’Est, principalement dans la province du Nord-Kivu (Est), déstabilisée par des dizaines de groupes armés.
– Crainte d’un nouvel « Ebola business »-
Avec 2.287 décès pour 3.470 cas, ce fut la deuxième épidémie de fièvre Ebola la plus grave de l’histoire, après celle qu’a connue l’Afrique de l’Ouest en 2014-2016 (plus de 11.000 morts).
Les deux épidémies congolaises n’ont aucune souche virale commune, a indiqué l’OMS.
Il y a en revanche des transferts d’expériences. Comme dans l’Est, les autorités sanitaires ont ainsi lancé une campagne de vaccination dans la région de Mbandaka.
« On est à plus de 8.000 personnes vaccinés », se félicite Alhassane Touré, coordonateur de la vaccination. « Toutes les zones de santé affectées ont été couvertes par la vaccination ».
« C’est toujours le même vaccin Merck déjà utilisé à l’Est », poursuit-il. « On a juste allégé la façon de vacciner pour aller plus vite ».
Premiers partenaires de la RDC, les Nations unies ont promis de tirer tous les enseignements de la précédente épidémie, marquée par des violences avec « 11 morts parmi le personnel médical et les patients » d’après l’ONU.
L’un des défis consiste à surmonter les « résistances » des habitants face aux équipes médicales (déni de la maladie, refus de livrer des patients à l’hôpital…).
Il faut « écouter et impliquer les communautés à temps dans le dialogue et la planification de la riposte (…) sans quoi, nous risquons d’être contre-productifs », selon un responsable anti-Ebola de l’ONU, Abdou Dieng.
Des partenaires de la RDC redoutent aussi un nouvel « Ebola business » aux conséquences néfastes. Le terme a été forgé par l’agence de presse spécialisée The New Humanitarian dans une enquête sur la grande épidémie dans l’Est: « l’injection de centaines de millions de dollars (…) a créé un terrain fertile à des conflits d’intérêts et à la compétition pour le profit ».
« Nous sommes refroidis avec qui s’est passé à l’Est. Tout le monde a été traumatisé par l’afflux d’argent. Cela fait monter les attentes de la part de la population », avance une source proche des Nations unies, qui cite aussi la convoitise des autorités locales.
Il y a cette fois-ci une « très grande prudence » des partenaires et des bailleurs de la RDC, ajoute cette source.