Une des grandes figures de la vie politique marocaine, l’ex-Premier ministre Abderrahmane Youssoufi, choisi en 1998 par le roi Hassan II pour diriger un « gouvernement d’alternance », est décédé vendredi à l’âge de 96 ans, selon l’agence marocaine de presse MAP.
Célèbre pour son engagement pour l’indépendance du royaume puis contre le régime du roi Hassan II pendant les années de plomb, il est le seul chef d’opposition du monde arabe à avoir fait le pari de la réforme au sein d’un gouvernement de coalition, après des années de lutte et d’exil.
L’ex-militant socialiste a été inhumé vendredi après-midi à Casablanca « en présence d’un nombre restreint des proches du défunt en raison du contexte exceptionnel de l’état d’urgence sanitaire », selon la MAP.
Plusieurs personnalités marocaines ont rendu hommage à cet avocat de formation, qui a « marqué l’histoire politique nationale » et « joué des rôles clés dans le processus de réforme politique », comme l’a dit l’actuel Premier ministre Saad-Eddine El Othmani.
Un hommage lui a aussi été rendu par le président algérien Abdelmadjid Tebboune qui a salué un « homme d’Etat chevronné » et un « militant maghrébin exemplaire ».
Premier ministre de 1998 à 2002, une période de transition entre le règne d’Hassan II et son fils Mohammed VI, M. Youssoufi avait été hospitalisé dimanche dans une clinique de Casablanca où il avait été admis en réanimation, selon la MAP.
Son retrait de la vie politique en 2003 avait été interprété comme un constat d’échec de la transition vers la monarchie parlementaire promise par la dynastie alaouite.
Il s’était alors astreint au silence, jusqu’à la publication de ses mémoires, au printemps 2018.
Son « Récit du passé » évoque notamment la disparition non élucidée de son compagnon de lutte Mehdi Ben Barka, un opposant historique d’Hassan II enlevé à Paris le 20 octobre 1965 et dont le corps n’a jamais été retrouvé.
Né à Tanger le 8 mars 1924, M. Youssoufi avait rejoint le mouvement indépendantiste alors qu’il était étudiant à Rabat. Il a pris en 1992 la tête de l’Union socialiste des forces populaires (USFP) après avoir milité pendant des années au sein de ce parti de gauche.
A ce poste, il avait notamment mené avec Hassan II une longue négociation pour tourner la page du passé, obtenant en autre en 1994 une amnistie générale pour tous les détenus et exilés politiques.
Il avait lui-même été arrêté deux fois pendant « les années de plomb », en 1960 et 1963, libéré en 1964 avant de choisir l’exil.
Ses années en France, de 1965 à 1981 ont été marquées par son engagement politique au sein du parti qu’il avait fondé avec Mehdi Ben Barka et par sa participation à la création de l’Organisation arabe des droits de l’Homme, une ONG basée au Caire.